Le miracle de Vierves Le Miracle de Vierves

O h là là la boulette, François a renversé Gérard avec sa camionnette et tout porte à croire que ce dernier a passé l’arme à gauche ! Que vont penser Josiane et Monsieur le Maire ? Il faut dire que Gérard, c’est un peu l’attraction phare du village, des gens viennent de loin pour avoir une chance de l’apercevoir et ça fait marcher les commerces. Pire, la fête des Ramures est pour bientôt. Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir proposer aux touristes, si la star de l’événement n’est pas présente ? Misère de misère, quelle sale bête. Ah oui, j’ai oublié de le préciser, Gérard est un cerf.

Entre racontar sentant bon les légendes vernaculaires chères au regretté René Hausman et les farces provinciales façon Pascal Rabaté, Le miracle de Vierves est le premier album plein de tendresse et d’humour d’Inne Haine, une jeune auteure flamande ne manquant ni d’esprit et ni de talent. Dans un écrin qui peut rappeler les peintures de Bruegel l'Ancien, elle a imaginé une histoire amusante comme toute, malgré des prémices sombres et violentes. Les uns cherchent à gruger quelques sous, d’autres pensent à la réputation du bourg et les jeunes, simplement à passer un peu de bon temps au fin fond de cette campagne perdue. Cette tragi-comédie ancrée dans les traditions et pleine d’humanité est racontée d’une manière originale et appliquée. Même si le jeu d’enchâssement temporel et onirique s’avère quelque peu nébuleux par moments, l’ensemble se révèle solidement construit et se parcourt avec le sourire aux lèvres, particulièrement grâce aux nombreuses situations rocambolesques et à la truculence des personnages.

Graphiquement, l’élégance et la simplicité dominent le travail de la dessinatrice. Le style, très typé « ligne claire », est parfaitement en place. Quasiment naïf, le trait aurait cependant peut-être gagné à être plus rugueux. En effet, tous les protagonistes, s’ils sont facilement reconnaissables, reposent trop sur un modèle identique, leurs grands yeux ébahis manquant parfois de nuance et de férocité. La mise en scène est précise et diligente, mais, là aussi, presque trop sage. De plus, si les nombreux « trucs » et autres cassures dans le découpage sont comiques, leur répétition se montre un peu gratuite au niveau de la narration. Heureusement, l’artiste se rattrape avec une excellente mise en couleurs aux teintes chaudes et pleines de textures.

Malgré quelques (tout) petits défauts propres aux premières œuvres, Le miracle de Vierves devrait parler à tous les amateurs de conte d’antan et de développement économique des régions rurales.

Moyenne des chroniqueurs
6.5