Famille nombreuse

C hadia est relativement bien entourée : sa famille ne compte pas moins de treize membres ! D'origine tunisienne, cette joyeuse smala, toujours au bord du débordement mais jamais submergée, dispose d'une organisation bien rodée, notamment grâce à une maman pleine de ressources. Tout commence en 1966 à Radès, au nord de la Tunisie. Le père se fait débaucher par un démarcheur. En effet, la France a besoin de bras ! Il s'ensuivra une série de péripéties pittoresques, entrecoupée de naissances plus ou moins attendues.

Chadia Chaibi-Loueslati livre un roman dessiné autobiographique qui détonne dans la grisaille actuelle. Avec un regard aigu, juste et bourré d'autodérision, elle relate sa saga jusqu'en 1985, car il faut bien s'arrêter à un moment ! Sur ton léger et pertinent, elle évoque en toute simplicité le quotidien, par l'intermédiaire d'épisodes supposés banals pour le citoyen lambda, mais avec autant de monde dans si peu d'espace, les solutions sont loin d'être aussi faciles. Les déroutes et déconvenues qui suivent la découverte des particularités d'un nouveau pays (cuisine, fêtes, l'école républicaine, l'administration française) et la nécessité d'une organisation millimétrée (queue pour la salle de bain, les vêtement, les repas) sont prétextes aux éclats de rires et creusements de méninges. Le résultat est un foyer parfaitement intégré, non sans quelques obstacles à base de préjugés inévitables dans toute société.

Les liens entre les parents et la fratrie sont forts et démontrent l'importance des valeurs humaines de base (courage, respect, honnêteté, solidarité). Le lecteur n'échappe pas à quelques clichés (la retranscription de l'accent du "daron" par exemple) mais ils sont utilisés intelligemment et sans lourdeur. Pas de misérabilisme non plus, il n'est pas question Ici de revendiquer quoi que ce soit, mais juste de partager un petit bout d'histoire qui tient à cœur à l'auteur. La religion et la politique restent en toile de fond : ouf, pas de polémique ou de message ! Mais un aperçu du bonheur d'un groupe qui n'est pas seulement lié par le sang : soudé, aimant et ouvert.

Le dessin d'allure géométrique, gentiment caricatural s'inspire nettement du style de Marjane Satrapi (Persépolis). Le noir et blanc est rehaussé d'un jaune éclatant qui apporte de la luminosité et parfume de gaieté le récit. De petits clins d'œil visuels parsèment les cases et apportent le sourire aux lèvres, tout comme les dialogues savoureux.

La joie de vivre, le bonheur et l'amour de ces personnes unies ne font aucun doute. La note laissée par ce livre, à la fois drôle et tendre, est résolument positive : ça fait du bien ces temps-ci !

Moyenne des chroniqueurs
7.0