Mémoires de la guerre civile 1. Tome 1

A près Le protocole Pélican, Le complexe du chimpanzé et Genetiks™, Richard Marazano et Jean-Michel Ponzio reviennent avec Mémoire de la guerre civile, une nouvelle série d’anticipation à grand spectacle reprenant des prémices classiques de la dystopie. La société est divisée : d’un côté des privilégiés jaloux de leurs avantages ; de l’autre, une population privée de tout et corvéable à l’infini. Entre les deux, Vivian, un soldat en charge d’une équipe de maintien de l’ordre, va se retrouver au centre d’une révolution sanglante. Pourquoi ? Comment ? Lui-même (et le lecteur par la même occasion) ne le sait pas encore…

Pour ce tome introductif, Marazano a choisi une approche tout en nuance et en zones d'ombre. En effet, les tenants et les aboutissants de ce monde sont à peine présentés et toute l’action se déroule à hauteur d’hommes. Ceux-ci, une escouade d’intervention de forts en gueule, davantage chargée de faire le « ménage » que la justice, interviennent dans les bandes tampons situées entre les enclaves et le reste du territoire. Ils ont l’espoir d’accéder au luxe réservé à l’élite après dix ans de service. Personnages à cheval entre ces réalités, ils sont témoins et acteurs de l’iniquité de cet univers, mais aveuglés par la propagande, ils sont prêts à tout. Ce cadre restreint suffit au scénariste pour développer une histoire inquiétante de par les nombreuses références socio-économiques faites à notre époque. Serait-ce un futur possible ? La construction extrêmement alambiquée (heureusement sans être absconse) faite de retours en arrière ou de bonds en avant, suivant où l’on se place dans la chronologie, rajoute un autre niveau de compréhension aux sombres présages suggérés par le récit.

De son côté, Ponzio, spécialiste es rotoscopie et infographie 3D, dépeint ces villes et ces no-man's-lands glaçants de vérité. De plus, même si le design et la mise en scène lorgnent beaucoup vers un certain cinéma gourmand en effets spéciaux, il s’agit bien de bande dessinée. La lecture est dense, mais elle s'avère tout-à-fait lisible et très rythmée. Cela dit, le rendu hyper-réaliste, spécialement celui des protagonistes, ainsi que le côté glacé de la colorisation, se font remarquer au premier abord. Pourtant, après quelques pages, ce parti-pris artistique pleinement revendiqué, plutôt que choquer, renforce à bon escient l'ambiance post-apocalyptique de la narration. Le dessinateur en pleine maîtrise de ses outils, parvient à se faire oublier pour ne laisser place qu’à l’action et aux émotions.

Un duo d’auteurs sur la même longueur d’onde, une réalisation originale et sans bavure, Mémoire de la guerre civile s’annonce comme un titre-référence du genre. À suivre.

Moyenne des chroniqueurs
6.0