Le dessein

« Nous avons bien reçu votre projet… Nous sommes au regret de vous annoncer que nous ne l’avons pas retenu pour publication, car il ne correspond pas à notre ligne éditoriale. »

Les lettres de refus se multiplient pour le jeune bédéiste au cœur du Dessein. Un peu par hasard, il croise un semi-clodo, Henry Giné, illustrateur raté et désabusé. Ce dernier le prend sous son aile et lui apprend les ficelles du métier : l’image doit être facile à décoder, pas de noir et blanc, les filles sont canon et ont de fortes poitrines et ne surtout pas négliger le cliché. « Le cliché permet de s’adresser à tout le monde et d’être compris de tous », lui assure son mentor. Suivant ses conseils, le protagoniste découvre petit à petit le succès.

Dans ce récit initiatique, Jonathan Munoz mélange les genres et les histoires. Au premier chef, la vie de son héros. Ensuite, ses illustrations et quelques-unes de ses planches. Enfin, plusieurs pages sont consacrées à Sansénar, le mystérieux album de son gourou. C’est d’ailleurs cette partie qui est la plus fascinante. Ce livre dans le livre est en quelque sorte une mise en abyme où le personnage principal crée lui-même la bande dessinée dont il est la figure centrale.

Avec ses multiples niveaux, la structure de l’œuvre pourrait être complexe, mais l’ensemble demeure cohérent. Le collage est intéressant, même si certains segments tendent à s’étirer, particulièrement la participation à un concours d’illustration et les nombreuses pages consacrées au bouquin fantôme.

Également dessinateur, l’auteur démontre une belle polyvalence : dessin sommaire pour évoquer la vie du protagoniste, très élaboré, de style « fantasy », lorsqu’il prête les pinceaux à son alter ego, et naïf quand vient le temps de présenter le travail du maître imaginaire. Au final tout se tient, la multiplicité des approches graphiques, loin de brouiller les cartes, renforce la lisibilité de l’album.

Un livre ambitieux et intelligent, écrit et illustré par un jeune créateur qui a du culot et de l’inspiration.

Moyenne des chroniqueurs
7.0