Écumes

U ne jeune femme est enceinte. Depuis le temps qu’elle en rêvait, c’est fait, elle est rayonnante. Tout comme sa compagne. La gestation est cependant difficile. Toutes les précautions sont prises, mais la Nature et la vie ne l’entendent pas ainsi. Le bébé meurt, débute alors un long processus de deuil.

Le récit, signé Ingrid Chabbert, est touchant. Pudiquement, elle a choisi de laisser parler les images. Un peu comme s’il était inutile de verbaliser ce qui se voit et se ressent. La tragédie, racontée sans fard, est par ailleurs ponctuée de nombreux segments oniriques où la protagoniste lutte pour ne pas se noyer. L'histoire passe ainsi du réalisme à la métaphore, chacun renforçant l'autre.

Les dessins de Carole Maurel sont pour leur part très beaux. Le coup de crayon, sobre, dépouillé et élégant est d’une grande efficacité. En évitant de le charger de détails, elle centre l’attention du lecteur sur les personnages, leur douleur, mais aussi leur bonheur. Sa puissance d’évocation est très forte ; de nombreuses cases sont d’ailleurs muettes. Ces silences donnent beaucoup de poids au propos.

La mise en couleurs est probablement l’élément narratif le plus éloquent de ce roman graphique. Toute la première partie, celle de la grossesse, est éclatante et joyeuse. Après le décès, le dessin bascule subitement dans le noir et blanc. Mais quelques pages plus loin, un cahier est timidement teinté de rose. Il y a de l’espoir. Ensuite, c’est le vêtement de l’organisatrice d’un groupe d’entraide qui s’anime, puis une tasse de café, un enfant qui s’amuse, un paysage... Au départ disposés par minuscules touches, les pigments se font petit à petit plus présents ; les âmes sont enfin cicatrisées.

Ce récit, minimaliste et touchant, donne à l’illustratrice l'occasion de démontrer sa compréhension de la bande dessinée comme médium.

Moyenne des chroniqueurs
7.8