Le perroquet Le Perroquet

B astien a huit ans. C’est un petit garçon comme les autres. Sauf que rien ne va pour sa maman qui souffre de troubles bipolaires avec tendance schizophrénique. Un lourd diagnostic qui se traduit par un mal de vivre quasi permanent, ponctué de crises d’une rare intensité. Les solutions : internement, médicaments, camisoles de force et thérapies. Il arrive que les choses aillent mieux, parfois même très bien. Mais rien n’y fait, tôt ou tard les démons reviennent. Bastien a bien compris que cette mère est dysfonctionnelle, mais c’est la sienne et il l’aime. Dans un épisode particulièrement touchant, il est à l’hôpital psychiatrique, entouré de pensionnaires bruyants et menaçants. Celle qu’il visite, bien qu’elle soit abrutie par les calmants, demeure une figure rassurante.

Espé fractionne son autofiction en très courts chapitres. Rarement plus de quatre ou cinq pages, le temps de poser un rapide regard sur un moment précis et significatif : obsession des tâches ménagères, randonnée à la campagne, rencontre d’un intervenant social, discussion avec les collègues de travail, etc. Ces petites tranches de vie sont pratiquement autonomes; elles seraient présentées dans un ordre différent que le récit demeurerait toujours aussi cohérent. Ces saynètes, certaines banales, d’autres tragiques, forment une fresque traçant destin d’une femme malade.

Seul maître à bord, l'auteur assure également les illustrations. Son coup de crayon, sobre, voire naïf, est efficace et rend très bien l’esprit de cette histoire. Rehaussé de couleurs, le trait gagne en force. Alors que les épisodes d’accalmie sont généralement dépeints en bleu, en vert ou en marron, l’univers bascule dans le rouge lorsqu’éclate la crise. Le lecteur ressent à cet instant toute la violence qui se déchaîne.

Le dessin est souvent allégorique, la protagoniste est représentée piégée comme un animal, entourée de monstres ou en funambule. Ces images sont éloquentes ; elles auraient peut-être eu encore plus d'impact si l’artiste les avait laissé s’exprimer dans le silence. C’est bien le seul petit reproche qu’on peut faire à cet album. Mentionnons enfin à la très belle couverture, dépouillée, qui prend tout son sens dans les derniers chapitres de la tragédie.

Un roman graphique d’une grande sensibilité. Le créateur se détache cependant suffisamment de son sujet pour éviter les excès de pathos.