Les fleurs du Mal (Ôshimi) 1. Tome 1

T akao, un lycéen comme il y en a beaucoup, est passionné de lecture en général et de Charles Baudelaire en particulier. Ses copains rigolent un peu de lui, mais comme il bouquine la plupart du temps seul dans son coin, ça ne dure jamais longtemps. Dans la classe, il y a aussi la jolie Nanako, dont tous les garçons, Takao y-compris, sont amoureux. Ce dernier, sous le coup d’une impulsion irrépressible va chiper les affaires de gym de la jeune fille. Paniqué, il ne remarque pas que Sawa l’a vu. Celle-ci va profiter de ce qu’elle a aperçu pour prendre l’ascendant sur le malheureux et lui en faire voir de toutes les couleurs…

Sous le couvert d’une bluette toute simple, Shûzô Ôshimi a créé un conte cruel où perversité et manipulation se côtoient plus qu’intimement. Au centre du récit, le trio formé par Takao, Nanako et Sawa permet au scénariste d’explorer les tourments de l’adolescence. Timidité, hormones en ébullition, goût de l’interdit et découvertes de nouveaux sentiments, les âmes s’entrechoquent, se confrontent et se déchirent. Pour autant, ce seinen ne tombe jamais dans la vulgarité ou l’exhibitionnisme. Même si le ton est exacerbé, la violence reste sous-jacente et quasi muette. La lutte quotidienne pour comprendre ces émotions inédites et, surtout dans le cadre d’une société nippone si codifiée, le combat pour trouver sa place, alors qu’un tsunami vient d’emporter les certitudes du monde de l’enfance, est avant-tout intérieure. De l’extérieur, du côté des parents ou des professeurs, c’est comme si la vie continuait tranquillement pour les héros. Cette dualité de l’action s’avère admirablement écrite. Évidemment, au fil des chapitres, une fois cette féroce valse à trois temps mise en place, une certaine répétition du motif se fait remarquer. L’auteur réussit néanmoins à maintenir la pression, quitte à faire exploser une fois encore le pauvre Takao. L’histoire est partie pour durer, c’est le genre qui veut ça.

Au niveau illustrations, le dessinateur joue la carte d’un certain classicisme et, globalement, de retenue dans les effets graphiques. Le résultat est efficace, mais un peu passe-partout. Ôshimi a beau expliquer que le cadre est basé sur celui de sa ville natale, l’ensemble demeure passablement anonyme. Par contre, le côté design très travaillé (les habits, tout particulièrement) donne une allure certaine et un cachet très réaliste à l’ouvrage.

Exploration psychologique parfaitement réalisée, malgré des prémices somme toute assez basiques, Les fleurs du mal offre une relecture originale d’une période cruciale dans la vie d’un tout un chacun.

Moyenne des chroniqueurs
6.3