Groenland Vertigo

A près trois tomes de Racontars (adaptation des célèbres nouvelles de Jørn Riel), Hervé Tanquerelle a acquis une connaissance toute théorique du Groenland. Grâce à une opportunité incroyable, il a eu la chance de mettre ces dernières en pratique en participant à une croisière arctique de trois semaines ; il en est revenu la tête pleine de paysages et d’impressions extraordinaires. Raconteur de métier, il s’est immédiatement demandé comment transformer cette expédition en bande dessinée. À une tranche de vie autobiographique ou un carnet de bord, il a préféré une auto-fiction humoristique truffée de clins d’œil et de personnages truculents : Groenland Vertigo, l’épopée de Georges l’apprenti aventurier, était né.

Sous le couvert d’un récit parodique, le scénariste en profite pour rendre hommage à ses maîtres, Hergé et Riel, tout en glissant quelques bribes de messages environnementaux et même une ou deux piques sur le genre humain et les ego démesurés de certains. Comme quoi l’air du large et les embruns sont de bonnes muses. Sur le papier, le programme s’annonce riche et alléchant. Malheureusement, la navigation se montre plus agitée que prévue. En effet, Tanquerelle n’a pas vraiment réussi à lier ses différentes lignes narratives. Passages burlesques, moments plus sérieux, rares instants de contemplation se succèdent, sans jamais se répondre. Certes, le fil rouge, Georges, maintient un semblant d’unité, mais que celle-ci paraît artificielle ! Également décevants, les ressorts dramatiques et les gags se révèlent faibles et répétitifs.

Ironie du sort, la lecture est néanmoins plaisante. Les innombrables références à Tintin et l’approche esthétique mêlant ligne claire pour le premier plan et aquarelles expressionnistes pour les décors s’avère surprenante et séduisante, car parfaitement maîtrisées. Par contre, le découpage volontairement classique manque d’audace et peine drastiquement à retranscrire l’immensité et la splendeur de ces territoires glacés. « Coincé » par son postulat de départ, le dessinateur finit par passer à côté de son sujet.

Trop disparate et sans réel rythme, Groenland Vertigo se contente de naviguer à vue d’une anecdote à l’autre sans jamais arriver à destination.

Moyenne des chroniqueurs
6.3